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Freelance vs ESN : ce que la convention Syntec nous apprend sur la gestion optimale des intercontrats

Tu es développeur et tu hésites entre le statut de freelance et celui de salarié en ESN ? Entre liberté totale et sécurité apparente, le choix n’est pas toujours simple. Parmi les sujets qui font souvent pencher la balance : la gestion des périodes sans mission, connues sous le nom d’intercontrats. Alors que le freelance doit anticiper ces périodes creuses, le salarié en ESN se retrouve dans une situation particulière, encadrée par la convention Syntec, mais pas toujours à son avantage. 

Voyons ce que tu peux apprendre, que tu sois déjà freelance ou que tu songes à le devenir !

Définition et cadre légal de l’intercontrat pour les développeurs

L’intercontrat, cette période mystérieuse dont on parle souvent à voix basse dans les open spaces des ESN… Mais que cache réellement ce terme et quelles sont les règles qui l’encadrent pour un développeur ?

Entre deux missions clients

Pour faire simple, l’intercontrat (inter-contrat ou intermission) désigne cette période où un développeur en ESN se retrouve entre deux missions client. Concrètement, ta mission chez le client A s’achève le vendredi, mais la mission chez le client B ne démarre que dans trois semaines. Pendant ce temps, tu restes salarié de ton ESN, mais sans projet client sur lequel travailler.

La durée de ces périodes varie énormément selon les entreprises, leur carnet de commandes et leur capacité à repositionner rapidement leurs consultants. Quelques jours, quelques semaines, voire parfois plusieurs mois… L’intercontrat peut rapidement devenir une source d’anxiété pour le développeur qui se demande si son employeur cherche vraiment à lui trouver une nouvelle mission.

Encadrement par la convention Syntec

Surprise ! L’intercontrat n’existe pas dans le Code du travail. Ce n’est pas une notion juridique et ne fait l’objet d’aucune réglementation légale spécifique. C’est la convention collective Syntec (applicable aux bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs-conseils et sociétés de conseils) qui vient combler ce vide juridique.

La convention Syntec traite de façon incidente de cette situation dans l’article 2.4 de l’accord du 16 octobre 2013 relatif à l’activité à temps partiel des salariés. Pas très précis comme cadre, tu en conviandras ! C’est pourquoi de nombreuses ESN ont mis en place leurs propres règles internes pour gérer ces périodes.

Maintien du statut salarié

Bonne nouvelle : pendant l’intercontrat, aucune rupture ou suspension de ton contrat de travail n’intervient. Tu restes salarié à part entière de l’ESN, avec tous les droits et obligations que cela implique.

La Cour de cassation a d’ailleurs rappelé dans son arrêt n°08-45298 du 17 février 2010 que le contrat de travail comporte pour l’employeur l’obligation de fournir du travail à un salarié. L’intercontrat ne dispense donc pas ton employeur de vous donner des tâches à accomplir !

Attention toutefois, certaines ESN tentent d’inclure dans les nouveaux contrats de travail des clauses stipulant que l’intercontrat ne peut être assimilé à un manquement de l’entreprise. La validité juridique de telles clauses reste douteuse, car un employeur ne peut s’exonérer aussi facilement de son obligation d’exécution du contrat de travail.

Un taux moyen de 12% en ESN

Selon la Syntec, le taux moyen de consultants en intercontrat tourne autour de 12% dans les ESN. Cela signifie qu’à tout moment, environ un consultant sur huit est en attente de mission. Ce chiffre varie bien sûr selon les périodes de l’année, la taille de l’entreprise et son secteur d’activité.

Pour ton ESN, ce taux est un indicateur déterminant de sa santé économique. Un taux trop élevé signifie généralement que l’entreprise a du mal à placer ses consultants et que sa trésorerie en souffre. À l’inverse, un taux trop faible peut indiquer une surcharge de travail et des difficultés à répondre à la demande.

Pour toi, développeur, ce taux peut aussi donner une indication sur la fréquence à laquelle tu risques de te retrouver en intercontrat. Dans une ESN avec un fort taux d’intercontrat, ton employabilité et ta capacité à t’adapter à différents projets deviennent des atouts majeurs pour limiter ces périodes d’inactivité forcée.

Obligations de l’ESN envers les développeurs

Quand ta mission client s’achève, ton ESN ne peut pas simplement te laisser dans un coin en attendant qu’une nouvelle opportunité se présente. La convention Syntec et la jurisprudence ont établi certaines règles que ton employeur doit respecter.

L’ESN maintient le salaire

Premier point important : pendant l’intercontrat, ta rémunération fixe reste identique. Ton ESN doit continuer à te verser ton salaire habituel, même si tu n’es pas en mission chez un client. C’est d’ailleurs ce qui pousse de nombreuses entreprises à limiter au maximum ces périodes qui représentent un coût sans facturation associée.

Concernant les avantages, la situation est plus nuancée :

  • Les tickets-restaurant sont maintenus si tu travailles dans les locaux de l’entreprise, mais peuvent être supprimés si tu es en intercontrat à domicile.
  • Les primes sur objectifs liées aux missions peuvent être suspendues.
  • Les frais de déplacement ne sont plus remboursés puisque tu ne te rends plus chez le client.

La jurisprudence est claire sur ce point : une ESN qui ne verserait pas le salaire complet pendant l’intercontrat s’expose à des poursuites pour travail dissimulé.

L’entreprise peut imposer des congés avec préavis

Face à un intercontrat qui se prolonge, ton ESN peut être tentée de te demander de poser des congés payés ou des RTT. Est-ce légal ? Oui, mais sous conditions.

Pour les congés payés, l’employeur peut t’imposer des dates, mais avec un préavis de deux mois minimum. Pour les RTT employeur, un délai de prévenance doit être prévu dans l’accord d’entreprise. Quant aux RTT salariés, l’ESN ne peut ni les demander ni les imposer.

Attention aux abus : imposer un nombre trop important de jours de congé ou de RTT en dehors des périodes habituelles (été, fin d’année) pourrait être considéré comme excessif par les prud’hommes.

L’intercontrat au siège ou à domicile

Où dois-tu passer ton intercontrat ? Deux options s’offrent généralement à toi :

  1. À l’agence : ton ESN peut te demander de venir travailler dans ses locaux. Dans ce cas, elle doit te fournir un poste de travail adapté (bureau, ordinateur fonctionnel) et des tâches correspondant à ta qualification.
  2. À domicile : certaines ESN autorisent leurs consultants en intercontrat à rester chez eux. Ce n’est pas du télétravail à proprement parler, mais tu dois rester disponible, consulter régulièrement tes mails professionnels et être joignable par téléphone pendant les heures de bureau.

À noter que certaines entreprises imposent un passage à l’agence une ou deux fois par semaine, même si l’intercontrat se déroule principalement à domicile.

L’employeur fournit un travail adapté aux compétences

Ton ESN ne peut pas te demander de faire n’importe quoi pendant l’intercontrat. Les tâches proposées doivent correspondre à ta qualification et à ta classification.

Des activités comme le développement interne, la participation à des réponses d’appels d’offres dans ton domaine de compétence ou la préparation d’entretiens sont acceptables. En revanche, passer tes journées à faire des photocopies ou du rangement d’archives ne correspond pas à ta qualification de développeur !

La Chambre sociale de la Cour de cassation a d’ailleurs jugé que l’employeur a l’obligation de fournir du travail au salarié (Cass. Soc. 23 oct. 2013 n° 12-14237). Elle a même considéré comme irrégulière la décision d’un employeur de placer un salarié en situation d’intercontrat sans lui fournir de travail pendant quatre mois (Cass. Soc. 15 mai 2013 n° 11-18872).

Droits et devoirs du développeur en intercontrat

L’intercontrat n’est pas synonyme de vacances payées ! En tant que développeur, tu as certes des droits pendant cette période, mais aussi des devoirs envers ton ESN. Équilibriste entre liberté et contraintes, tu devras naviguer avec finesse pour éviter les pièges que certains managers peu scrupuleux pourraient te tendre. 

La disponibilité permanente

Première règle du club de l’intercontrat : on reste disponible pour son employeur ! Même sans mission client, tu es toujours lié par ton contrat de travail. Ton ESN peut te solliciter à tout moment pour un entretien client, une nouvelle mission ou une tâche interne.

Concrètement, cela signifie que tu dois rester joignable pendant les heures normales de travail. Pas question donc de partir faire un trek dans le désert marocain sans réseau mobile juste parce que tu es en intercontrat ! Si tu effectues ton intercontrat à domicile, tu dois pouvoir répondre au téléphone dans un délai raisonnable et être en mesure de te déplacer dans les locaux de l’entreprise si nécessaire.

Un conseil : prends l’initiative de contacter régulièrement ton manager, même si celui-ci ne te sollicite pas. Ces petites attentions montrent ton engagement et ta motivation, tout en constituant des preuves écrites de ta disponibilité en cas de conflit ultérieur. Un simple mail du genre « Bonjour, je suis toujours disponible pour démarrer une nouvelle mission. Avez-vous des opportunités à me proposer ? » peut faire toute la différence.

La vigilance sur les communications

Ta boîte e-mail professionnelle devient ta meilleure amie pendant l’intercontrat. Elle est le principal canal de communication entre toi et ton ESN, surtout si tu es en intercontrat à domicile.

Consulte-la plusieurs fois par jour, même en l’absence de notifications. Certains managers testeront ta réactivité en t’envoyant des mails demandant une réponse rapide. Ne tombe pas dans ce piège ! Une réponse tardive pourrait être utilisée contre toi comme preuve de ton manque de disponibilité.

Attention aux mails qui pourraient contenir des demandes délicates ou des pièges. Par exemple, si ton manager te demande de justifier ton activité ou de réaliser une prospection client, répond et conserve une trace de tous vos échanges.

Un droit de refus

Développeur front-end, on te propose une mission de développement back-end avec des technologies que tu ne maîtrises pas ? Tu peux légitimement refuser cette mission sans risque de sanction.

En effet, tu n’es pas tenu d’accepter une mission qui ne correspond pas à tes compétences ou à ton niveau d’expertise. Le refus doit toutefois être motivé par écrit, en expliquant précisément pourquoi la mission proposée ne correspond pas à ton profil. Évite les refus secs et non justifiés qui pourraient être interprétés comme de l’insubordination.

Pour te protéger, conserve précieusement :

  • Le descriptif de poste ou l’annonce publiée lors de ton recrutement
  • Ton CV tel qu’il a été présenté aux clients
  • Les fiches de mission de tes précédentes missions
  • Les évaluations positives de tes précédentes missions

Ces documents constitueront des preuves solides de ton domaine de compétence en cas de litige.

Une opportunité de formation

L’intercontrat, c’est l’occasion rêvée pour booster tes compétences ! Les technologies évoluent à vitesse grand V, donc rester à jour est déterminant pour ton employabilité.

Ton ESN a d’ailleurs tout intérêt à te proposer des formations pendant cette période. L’article L6321-1 du Code du travail stipule que l’employeur doit maintenir ton employabilité, et de nombreuses jurisprudences (comme Cass. soc. 7 mai 2014, n° 13-14749 D) le confirment.

Plusieurs options s’offrent à toi :

  • Les formations internes animées par des experts de ton ESN
  • Les formations externes certifiantes
  • Les formations en ligne (MOOC, plateformes comme Pluralsight ou Udemy)
  • Les certifications techniques (AWS, Azure, SCRUM…)

Si ton employeur traîne des pieds pour financer ta formation, rappele-lui que c’est dans son intérêt : un développeur mieux formé sera plus facilement placé chez un client. Tu peux aussi utiliser ton Compte Personnel de Formation (CPF) pour financer toi-même ta montée en compétences.

Petit hack pour les développeurs : profite de l’intercontrat pour obtenir les certifications coûteuses que ton employeur rechigne habituellement à financer. 

Risques et solutions pour des intercontrats longs

Quand l’intercontrat s’éternise, le compte à rebours s’enclenche… Pour l’ESN, chaque jour représente un coût sans revenu. Pour toi, développeur, c’est souvent le début d’une période de doutes et de pressions. Plus la situation dure, plus la tension monte ! Découvre les stratégies déployées par les ESN face aux intercontrats prolongés, et surtout, comment te protéger face aux manœuvres parfois douteuses de certains employeurs qui voudraient transformer ton CDI en « Contrat à Durée… Incertaine ».

Mobilité géographique temporaire

Quand le carnet de commandes local se tarit, ton ESN peut tenter de t’envoyer sous d’autres cieux. « Bonne nouvelle ! On a une mission pour toi… à 300 km de chez toi ! » Une tactique classique qui peut cacher deux intentions : te replacer sincèrement ou… te pousser à refuser pour justifier un licenciement.

Si ton contrat comporte une clause de mobilité, celle-ci peut être activée par ton employeur. Mais attention, cette clause doit définir précisément sa zone géographique d’application. Une clause trop vague du type « Le salarié pourra être muté dans n’importe quelle agence de l’entreprise » pourrait être invalidée par les tribunaux.

Face à une proposition de mobilité géographique, plusieurs scénarios se présentent :

  • Tu acceptes : l’ESN doit alors prendre en charge tes frais de déplacement, l’indemnité Borloo si tu dois partir le dimanche, le train en 1ère classe si tu es cadre, etc.
  • Tu refuses avec un motif légitime (situation familiale, contraintes personnelles) : ton refus ne peut pas constituer un motif de licenciement
  • Tu refuses sans motif valable : l’ESN pourrait engager une procédure de licenciement

Pression à la démission

Les réunions d’intercontrat, ces moments joyeux où l’on te rappelle subtilement que tu coûtes de l’argent sans en rapporter… Dans certaines ESN, ces réunions périodiques deviennent de véritables séances de torture psychologique visant à te pousser vers la sortie.

La technique est rodée : culpabilisation, remise en question de tes compétences, comparaison avec d’autres consultants plus « adaptables », allusions à la santé financière fragile de l’entreprise… Tout est bon pour te faire craquer et t’inciter à démissionner.

Pourquoi la démission plutôt que le licenciement ? Simple : elle coûte moins cher à l’ESN qui n’a pas à verser d’indemnités et te prive de tes droits aux allocations chômage. Un double gain pour eux, une double perte pour toi !

Des signes d’alerte à surveiller :

  • On te demande de justifier quotidiennement ton activité
  • On t’écarte des réunions d’équipe
  • On te propose systématiquement des missions inadaptées à ton profil
  • On remet en question tes compétences sans éléments concrets

Ces pratiques s’apparentent à du harcèlement moral et sont condamnables. Consigne par écrit tous ces agissements, garde une trace de tous les échanges et n’hésite pas à solliciter les représentants du personnel ou un avocat spécialisé si la situation devient intenable.

Solutions contractuelles légales

Face à un intercontrat qui s’éternise, plusieurs issues sont possibles, certaines plus favorables que d’autres pour ta carrière et tes droits :

La formation longue durée : véritable win-win, elle te permet d’acquérir de nouvelles compétences tout en donnant du temps à ton ESN pour trouver une mission adaptée. Vise des certifications reconnues sur le marché qui te rendront plus employable. Profites-en pour demander ces formations coûteuses que l’on te refuse habituellement !

La rupture conventionnelle : si l’ambiance devient trop pesante, cette option peut représenter une porte de sortie honorable. Tu négocies ton départ avec une indemnité (au moins égale à l’indemnité légale de licenciement) et conserve tes droits aux allocations chômage. Attention toutefois à bien négocier le montant de l’indemnité !

Le licenciement économique : si ton ESN traverse réellement des difficultés économiques, elle peut envisager un licenciement pour motif économique. Dans ce cas, elle devra justifier d’une baisse d’activité durable, appliquer des critères d’ordre de licenciement et te proposer des solutions de reclassement. Ce type de licenciement ouvre droit aux allocations chômage et à diverses indemnités.

Ce qu’il faut éviter à tout prix : la démission non réfléchie sous la pression. Sans allocations chômage et avec un marché de l’emploi parfois tendu, tu pourrais te retrouver dans une situation financière délicate.

L’alternative freelance

Et si la solution ultime était de prendre ton destin en main ? Le statut de freelance offre une alternative séduisante aux développeurs lassés de subir les aléas des ESN.

En freelance, les périodes sans mission existent aussi, mais elles ne sont plus subies : tu les anticipes, les planifie et les gère selon tes besoins. Plus de manager anxieux qui te surveille, plus de réunions culpabilisantes, plus de missions imposées ne correspondant pas à tes compétences !

Ces périodes deviennent alors de véritables opportunités pour :

  • Gérer ton administratif et ta prospection commerciale
  • Te former sur des technologies qui t’intéressent vraiment
  • Développer des projets personnels ou open source
  • Prendre des vacances quand bon te semble

Selon les données de Kicklox, les freelances expérimentés parviennent généralement à limiter leurs périodes sans mission à moins de 20% de leur temps de travail annuel, tout en facturant un TJM (Taux Journalier Moyen) souvent supérieur de 30 à 50% à ce que rapporte un consultant à son ESN.

Bien sûr, le freelancing exige d’autres compétences : gestion administrative, prospection commerciale, négociation… 

Si cette voie te tente, Le Cercle t’accompagne pour transformer ces périodes creuses en opportunités et vivre pleinement ton métier de développeur, sans subir les contraintes parfois pesantes des ESN. Parce qu’entre liberté choisie et sécurité subie, ton talent mérite mieux qu’un placard doré entre deux missions !

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